mardi 15 mai 2012

Dubaï, nouvelle valeur refuge du Moyen-Orient

Par Alexandrine Bouilhet
Mis à jour le 15/05/2012 à 08:34 | publié le 14/05/2012 à 20:32 

La tour Burj Khalifa, plus haute tour du monde, qui abrite un restaurant avec vue panoramique à plus de 800 mètres de hauteur sur l'île artificielle de Palm Island.Crédits photo : Ayesha Daya/Bloomberg

Trois ans après la crise financière, touristes et capitaux du Golfe affluent dans l'émirat.


Dans le hall en marbre blanc du Dubai Mall, le plus grand et le plus luxueux centre commercial du monde, les voitures de golf sont prises d'assaut par des femmes en abayas, la robe noire traditionnelle des émirats. Elles s'adonnent à leur passe-temps favori: le shopping. En fin de journée, on les retrouve en après-ski de fourrure dans le Mall of Emirates, jouant aux boules de neige avec leurs enfants au pied de la piste de ski en neige artificielle, la plus prisée du Moyen-Orient. Dehors, il fait 40 degrés. Hôtels et restaurants du front de mer sont bondés.

Trois ans après la crise financière qui a précipité Dubaï au bord de la faillite, le petit émirat a renoué avec la croissance, en hausse de 5 % cette année, et retrouvé la confiance des marchés. La Bourse a gagné plus de 22 % depuis le début de l'année. Les rendements du sukuk du gouvernement de Dubaï - emprunt obligataire - arrivant à maturité en novembre 2014 sont tombés à 3,7 %, leur plus bas niveau depuis le 28 octobre 2009.

Endettées de 100 milliards de dollars, les grandes entreprises publiques de l'émirat profitent de cette détente sur les marchés obligataires pour rembourser leurs créanciers. «La crise n'est pas finie. Dubaï doit refinancer 15 milliards de dette cette année, mais les marchés sont très bien orientés. Il ne devrait y avoir aucun problème de remboursement de dette», se félicite Khatija Haque, économiste à la banque NBD, la plus grande des Émirats.

Dubaï n'a pas de pétrole, mais de riches voisins en quête de lieux sûrs pour passer leurs vacances et placer leur argent. «Loin de porter préjudice à Dubaï, le printemps arabe lui a profité!», se félicite Lionel Reina, patron d'Orange Business Arabia. Les Saoudiens ne vont plus en vacances sur la mer Rouge, en Égypte, ni en week-end à Bahreïn: ils viennent se détendre dans les Émirats. Le tourisme est en hausse de 16 %, les chambres d'hôtel sont pleines à 86 % et les ventes de détails - 30 % du PIB de Dubaï - explosent.

Pour ce petit émirat, l'argent du Golfe est une bénédiction. En 2009, c'est un prêt de 20 milliards de dollars d'Abu Dhabi qui l'a sauvé de la faillite. En 2011, les pays de l'Opep ont gagné 1300 milliards de dollars grâce à la hausse du prix du baril. De quoi faire quelques emplettes en Europe, mais aussi à Dubaï, où la nouvelle donne financière suit la courbe des prix du pétrole. «On ne sait pas s'il y a eu des échanges d'actifs entre Abu Dhabi et Dubaï après le sauvetage. La transparence financière est très limitée!», se désole Nitish Bhojnagarwala, de chez Moody's. «Quant à la garantie d'Abu Dhabi sur les dettes de Dubaï, elle est loin d'être systématique…», rappelle-t-il. Depuis 2010, Dubaï a restructuré 35 milliards de dollars de dettes - plus du tiers de sa dette -, une opération qui s'est soldée par une perte de 10 à 20 % pour les banques.

Hôtel sous la mer

Cette montagne de dettes n'empêche pas le retour de la folie des grandeurs... immobilières. Dernière idée en date: ouvrir un hôtel sous la mer! «Le projet est basé sur un concept unique, une expérience inédite, qui ouvre de nouveaux horizons pour le tourisme, tout en préservant l'écosystème», affirme Drydocks World, la filiale du conglomérat public Dubai World, qui a signé un contrat, début mai, avec un mystérieux fonds d'investissements suisse, Big Invest Consult. Montant du projet: entre 50 et 120 millions de dollars.

La nouvelle ne fait pas l'unanimité. «Plutôt que de relancer ces projets tape à l'œil, Dubaï devrait se concentrer sur son cœur de métier, le commerce, les infrastructures, les services aux entreprises», estime Amina al-Rustamani, femme d'affaire avisée, patronne de TECOM, une zone franche qui abrite les sièges régionaux de CNN, IBM ou Microsoft. «La folie immobilière était une dispersion inutile et dangereuse, estime Cyrille Fabre, du cabinet de conseil Bain. La crise a remis Dubaï sur le bon chemin: elle a fait baisser les prix, ce qui a redonné un avantage compétitif à Dubaï.»

En attendant, l'immobilier reste le point noir de Dubaï, à l'image de la centaine de squelettes d'immeubles qui entourent la ville. Les prix ont chuté de 60 %. Le taux de vacance des bureaux atteint 50 % «Seuls quelques quartiers très prisésvoient les prix rebondir», confirmeOlivier Ghattaz, de BNP Paribas Real Estate, à Dubaï.

La déprime du secteur n'empêche pas le lancement de nouveaux projets, s'ils ont un lien avec le tourisme de luxe. Le géant immobilier Emaar a ainsi annoncé la construction prochaine d'un musée d'art moderne et un opéra au pied de Burj Khalifa. Son concurrent Nakheel renonce à de nouvelles îles artificielles, mais démarre la construction d'une centaine de villas et de deux centres commerciaux sur l'île de Palm Jumeirah, la seule des trois qui soit habitée.

Par Alexandrine Bouilhet

http://www.lefigaro.fr/conjoncture/2012/05/14/20002-20120514ARTFIG00652-dubai-nouvelle-valeur-refuge-du-moyen-orient.php

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