vendredi 27 avril 2012

Répandue en Europe, la gratuité ne suffit pas à ouvrir les portes de l’université

  • Dans de nombreux pays, les frais d’inscription annuels sont inférieurs à 1 000 €.
  • Pour autant, seuls les pays où les aides sont importantes affichent un taux d’accès supérieur à la moyenne.

La potion promet d’être amère pour certains étudiants espagnols. Afin d’enrayer le creusement des déficits publics, le gouvernement central vient d’adopter des mesures de rigueur, qui touchent aussi les régions. L’enseignement supérieur est concerné : elles pourront si elles le veulent augmenter de 50 % les frais d’inscription à l’université, et donc les faire passer de 1 000 à 1 500 € par an en moyenne.

Une hausse « injuste et brutale », ont dénoncé avant-hier des étudiants brandissant des banderoles près de l’université Complutense, à Madrid. Le taux de chômage des jeunes – 50 % – démontrant que les diplômes ne garantissent plus l’accès à l’emploi, cette augmentation leur paraît d’autant plus injuste.

L’Espagne faisait jusqu’alors partie de ces pays d’Europe qui conjuguent des frais de scolarité universitaires peu élevés et des systèmes d’aides aux étudiants peu développés. Seuls 35 % de ces derniers bénéficient d’un soutien de l’État. La situation est identique en Autriche, en Belgique, en République tchèque ou encore au Portugal : l’université est financièrement accessible – les frais d’inscription, en moyenne, ne dépassent pas 1 000 € – et la proportion d’étudiants aidés par l’État, inférieure à 40 %.

FRAIS D’INSCRIPTION ET AIDES

En théorie, la quasi-gratuité doit suffire à garantir l’accès le plus large possible aux bancs des facultés. Mais la pratique est souvent autre. En Autriche, en Belgique ou en Espagne, le taux d’accès des jeunes à l’enseignement universitaire est inférieur à la moyenne européenne (60 % environ). « Des frais de scolarité élevés peuvent être un obstacle à la scolarisation, certes, mais (…) il ne suffit pas de les modérer pour améliorer l’accessibilité », analyse l’OCDE dans son dernier rapport « Regards sur l’éducation ».

Confrontées à la « massification » – partout ou presque en Europe, le nombre d’étudiants a progressé ces trente dernières années – et à des exigences budgétaires plus sévères en raison de la crise économique, les universités dans ces différents pays s’interrogent sur la pertinence de la gratuité. Un peu partout, le chemin de l’Espagne est envisagé. « Il n’est pas choquant d’augmenter les frais d’inscription, à condition que l’on crée des aides pour les étudiants », estime Éric Charbonnier, expert à la direction éducation de l’OCDE.

DIFFÉRENCE ENTRE EUROPE DU NORD ET DU SUD

Les Pays-Bas et le Royaume-Uni ont mis cette formule en pratique. Le niveau des frais de scolarité – 2 000 et 4 000 € par an en moyenne respectivement – peut à première vue sembler rédhibitoire. Mais dans un pays comme dans l’autre, des systèmes d’aides ont jusqu’alors permis d’ouvrir plus largement les portes de l’université, les deux pays affichant des taux d’accès supérieurs à 60 %.

Au Royaume-Uni cependant, la réforme qui doit entrer en vigueur en septembre prochain pourrait se montrer dissuasive. Pour combler le déficit public, les universités pourront désormais tripler le prix de leurs prestations – et donc les faire passer jusqu’à 12 000 € par an. L’État continuera cependant d’avancer ces frais aux étudiants, censés les rembourser une fois dans la vie active dès lors que leur salaire dépasse un seuil fixé par l’État.

Les pays d’Europe du Nord, eux, ont trouvé une autre parade. La Suède, le Danemark et la Finlande conjuguent une gratuité totale de l’université et des aides généreuses. À Stockholm, 100 % des étudiants peuvent en bénéficier, quelles que soient leurs origines sociales et leurs études. Les taux d’accès à l’université dépassent la moyenne en Finlande et en Suède (69 % et 68 % respectivement). Revers de la médaille : un impôt sur le revenu élevé.

MARIANNE MEUNIER
26/4/12 - 18 H 00 

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