dimanche 25 mars 2012

Des chercheurs étudient la mue du chômeur en entrepreneur

Près de 90% des sociétés créées par des sans-emploi en Suisse sont encore en activité après trois ans. De plus, elles ont créé de nouvelles places de travail et ont potentiellement permis de sortir d’autres personnes du chômage. Le sujet a fait l’objet d’une recherche à l’EPFL afin de mieux comprendre les processus de création d’entreprises.

Lorsqu’on est sans-emploi, monter sa propre entreprise peut s’avérer une bonne solution, pour soi et pour l’économie. C’est ce que démontre une étude pilotée par le professeur Marc Gruber, responsable de la Chaire Entreprenariat et commercialisation de technologies de l’EPFL, dont le rapport vient de sortir. Réalisée avec le soutien de plusieurs offices de placements régionaux, cette recherche analyse pour la première fois en détails qui sont les chômeurs qui se mettent à leur compte, quels sont les facteurs qui les y poussent et les aides à disposition et comment leur société évolue. Les chercheurs ont également comparé les données de plusieurs pays – Suisse, Allemagne, France, Belgique. Marc Gruber en donne les grandes lignes…

- Votre étude montre que les entreprises montées par des personnes sans-emploi ne font pas que sortir leur fondateur du chômage…


Tout à fait. Il apparaît que ces entreprises sont génératrices d’emplois. En Suisse, ces sociétés ont créé 2,2 postes en moyenne après trois ans, en plus de celui de leur fondateur, et sortent donc potentiellement également d’autres personnes du chômage! De plus, elles présentent un taux de survie très encourageant, qui est même plus élevé en Suisse que dans les autres pays européens étudiés. 88% d’entre elles sont encore en activité après trois ans, contre 80% en Allemagne ou 77% en Belgique.

- Peut-on dresser le portrait du chômeur susceptible de créer une entreprise à succès?

Il s’agit d’un groupe hétérogène, comprenant des personnes issues de domaines très divers allant du jardinage à l’architecture ou au consulting. Mais l’on peut tout de même dessiner certaines tendances. Il s’agit majoritairement d’hommes, dans une tranche d’âge allant de 30 à 60 ans et qui ont donc une certaine expérience professionnelle au préalable. Deux profils se dégagent: il y a ceux qui ont toujours rêvé de monter leur propre boîte, qui repoussaient ce projet tant qu’ils avaient un emploi salarié et à qui le chômage a offert l’opportunité attendue. Ce sont en général des personnes qui se lancent rapidement, après seulement quelques semaines ou mois d’allocations. Et il y a ceux qui envisagent la création de leur société après des mois voire des années de chômage comme une solution de dernier recours. Cette deuxième catégorie est plutôt minoritaire.

- Comment ces résultats pourront-ils être utilisés?

Cette étude a notamment pour but de mieux comprendre quels effets les interventions et aides octroyées par les gouvernements, qui différent beaucoup selon les pays, peuvent avoir sur l’évolution du chômage. Ces résultats seront donc d’abord utiles à ceux qui font les politiques publiques en la matière, pour améliorer les programmes destinés à faciliter la création d’entreprises, mieux cibler leurs aides financières ou de formation, ou développer de nouvelles formes de soutien. Ces données peuvent également être bénéfiques pour les entrepreneurs ou ceux qui souhaitent le devenir, qui y trouveront des pistes pour valoriser leurs atouts, anticiper les difficultés, cerner leurs lacunes à combler en matière de connaissances ou de management, savoir comment s’entourer.

- Selon vous, y a-t-il une recette pour que ces entreprises marchent bien?

On croit souvent que la chance est le principal ingrédient du succès. Il en faut, c’est vrai! Mais dans cette recherche, nous nous interrogeons sur les autres aspects qui impactent systématiquement les performances d’une nouvelle start-up - l’idée elle-même, les connaissances du fondateur, son expérience de manager, sa personnalité - qui font qu’une société prospère, créé des emplois, fait du profit. En fait, deux facteurs favorisent la réussite: une idée à potentiel de croissance et une expérience dans le domaine du management. Parce qu’il faut savoir comment nager dans un milieu compétitif et connaître la manière dont les autres poissons y évoluent. Nos résultats montrent qu’avoir des connaissances spécifiques au domaine dans lequel on se lance est relativement moins crucial pour les «high-performers», car elles peuvent toujours s’acquérir sur le tas ou être assurées en s’entourant de bons collaborateurs.

- Monter sa propre entreprise peut-il être envisagé pour tous les chômeurs ?

L’entreprenariat n’est pas fait pour tout le monde. Mais nous pourrions au moins demander à chacun de ceux qui se retrouvent sans emploi d’y songer, de le voir comme une alternative possible. Il y a certainement beaucoup d’individus qui feraient de bons entrepreneurs, mais qui n’y pensent pas ou s’interdisent même de l’envisager.

Auteur: Sarah Perrin
Source: Mediacom
16.03.12

http://actu.epfl.ch/news/des-chercheurs-etudient-la-mue-du-chomeur-en-entre/

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