vendredi 14 octobre 2011

Pour les étudiants étrangers, les Universités françaises ne sont pas si nulles que ça

L'institut SOFRES a publié cette semaine une étude rassurante sur l'image de la formation française : 90% des étudiants étrangers recommandent la France comme destination d'études, pour diverses raisons, dont certaines plutôt inattendues...

Une étude SOFRES (11/10/2011) montre que les universités françaises ont un fort pouvoir d’attraction pour les étudiants étrangers.
Une étude SOFRES (11/10/2011) montre que les universités françaises ont un fort pouvoir d’attraction pour les étudiants étrangers. Crédit Reuters

 
Une étude de TNS-SOFRES (11/10/2011) montre que les universités françaises ont un fort pouvoir d’attractivité pour les étudiants étrangers. N’est-ce-pas paradoxal alors que, dans le même temps, nos universités sont plutôt mal classées dans le palmarès de Shanghai ?

En réalité, nos universités ne régressent pas dans le classement de Shanghai. Elles se maintiennent, voire gagnent des places année après année, tout simplement parce qu’elles prennent davantage au sérieux la compétition internationale qui affecte désormais l’enseignement supérieur. Ce classement, comme d’autres, a piqué l’orgueil national. Les responsables des universités françaises ne peuvent plus se contenter d’une vision purement hexagonale de leur tâche.

Cela dit, cette étude de TNS SOFRES constitue une surprise, et une bonne surprise. L’idée généralement reçue était que l’image de la France se dégradait tendanciellement, notamment parce que notre pays n’offrait pas aux étudiants étrangers des conditions de logement satisfaisantes. Voilà quelques années, des étudiants chinois qui faisaient un échange avec l’École supérieure de chimie de Paris avaient été horrifiés des logements universitaires que leur avait proposés le CROUS. Ils étaient très vite repartis... De fait, les logements proposés aux étudiants étrangers ne sont parfois pas dignes d’un pays développé.


Comment expliquer alors cette image positive de l’enseignement supérieur français ?

Je l’expliquerai pas la conjonction de trois facteurs.

Premièrement, l’image de la France, de son patrimoine, de son art de vivre, de sa culture est toujours très positive à l’étranger. Le mythe de Paris « Ville lumière » reste vivace et semble résister à toutes les déceptions. Ce n’est pas un hasard si notre pays est la première puissance touristique mondiale.

Deuxièmement, le rayonnement mondial du français constitue un atout unique : les étudiants qui veulent apprendre cette langue viennent naturellement à Paris, tandis que les élites des pays francophones d’Afrique se forment traditionnellement en France, où ils ne se heurtent à aucune barrière linguistique.
Troisièmement, et surtout, la France commence à récolter le fruit des réformes et des investissements réalisés dans l’enseignement supérieur depuis quelques années. La loi Pécresse de 2007 sur l’autonomie des universités a permis à certains établissements de se développer et de devenir plus attractifs pour les étudiants étrangers. Le plan « Campus », doté de 10 milliards d'euros, permet l’émergence d’établissements d’excellence, où les conditions de travail sont incomparablement meilleures et qui donnent donc une bien meilleure image de l’enseignement supérieur français. Sur le long terme, les formations dispensées ne peuvent que s’améliorer.


Justement, 45% des étudiants étrangers promeuvent la qualité de la formation. Quel est le principal atout de la formation française ?

Il existe des formations d’excellence dans toutes les filières, mais la France attire surtout par ses formations scientifiques et médicales, ses grandes écoles et ses instituts d’études politiques.


Quel est le handicap principal de la formation française en général ?

Il en existe malheureusement plusieurs. La summa divisio entre grandes écoles et universités, même si elle est en bonne partie à la source de l’excellence française, reste souvent mal comprise à l’étranger, où l’on critique souvent le manque de lisibilité de notre système d’enseignement supérieur.

Les grèves et occupations d’universités à répétition qui ont marqué les années 2006-2008, y compris dans les établissements les plus prestigieux, ont affecté l’image de notre enseignement supérieur. À l’étranger, on dit parfois que les étudiants français sont plus motivés par des considérations idéologiques que par le souci de leurs études... Heureusement, la France n’a plus connu de révolte universitaire d’ampleur depuis trois ans, ce qui a permis à notre système de se reconstruire.

Enfin, les filières universitaires de lettres et de sciences humaines restent insuffisamment attractives. Nous disposons de très bonnes classes préparatoires dans ces disciplines, mais elles sont par définition tournées vers les concours nationaux et n’attirent donc pas les étudiants étrangers. La revalorisation des cursus de lettres et sciences humaines à l’université constitue aujourd'hui une priorité.


Le classement publié par Shanghai, finalement, récompenserait-il plus l’ouverture aux étrangers qu’un niveau à proprement parler ? 

Il ne faut pas se focaliser sur ce classement, dont les critères sont régulièrement dénoncés, parfois à juste titre – on sait par exemple que l’attribution du Prix Nobel à l’un des professeurs d’une université fait grimper automatiquement celle-ci d’une vingtaine de places dans le classement de Shanghai, sans que ses formations se soient améliorées soudain... Toutefois, l’ouverture de notre enseignement supérieur aux étudiants étrangers est une nécessité, car elle permet de faire rayonner la culture et la langue françaises. L’accueil des étudiants étrangers est un élément essentiel de notre influence, de notre soft power, comme disent les anglo-saxons.


Un chiffre paraît intéressant : 53 % des étudiants étrangers interrogés critiquent la complexité de l’administration française…

Ce chiffre ne me surprend pas. Tout le monde a pu l’expérimenter, à Nanterre, à la Sorbonne ou dans les universités de province : l’administration est peu accueillante, les procédures complexes, les bureaux labyrinthiques, les démarches à mener multiples. Pour s’inscrire, il faut obtenir un papier rose, que l’on obtient par un formulaire vert, et ainsi de suite. La culture d’accueil des administrations doit absolument être développée. Le problème est le même d'ailleurs dans tous les services en contact avec les étrangers ; on sait que le tourisme français pâtit du mauvais accueil réservé aux étrangers par des professionnels français souvent peu souriants et qui ne parlent que leur propre langue...

Dans cette perspective, la dématérialisation des procédures constitue un facteur d’espoir, à condition du moins que les démarches à effectuer en ligne soient simples et expliquées de façon satisfaisante à des étudiants non francophones.

Enfin, il faut sans doute faciliter la délivrance des visas aux étudiants étrangers. Celle-ci est aujourd'hui trop timide et conditionnée à des démarches longues, suspicieuses et parfois dévalorisantes pour les intéressés. La Conférence des grandes écoles a pris récemment des positions courageuses sur ce sujet. Nous ne devons pas avoir peur de cette immigration de savoir, qui constitue non pas une menace, mais un enrichissement incontestable.


Au final, cette étude doit-elle nous rendre optimiste quant à l’avenir de nos formations ?

Je serais plus optimiste qu’il y a quelques années. Une prise de conscience a eu lieu, facilitée d'ailleurs par l’écho médiatique des classements internationaux. Des réformes ont été engagées, qui portent peu à peu leurs fruits. Nous sommes aujourd'hui à un tournant. L’enseignement supérieur français possède des atouts considérables, à commencer par un patrimoine unique au monde et par un rayonnement culturel et artistique qui reste considérable. Il nous revient de faire vivre cet héritage, plutôt que de nos reposer sur nos acquis. Il faut absolument continuer à investir sur l’enseignement supérieur.


Publié le 14 octobre 2011

http://www.atlantico.fr/decryptage/etude-sofres-universites-francaises-etudiants-etrangers-pas-nulles-que-202326.html

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